Le Culte des Crânes chez les Bamilékés

Le culte des crânes chez les Bamiléké, un groupe ethnique de l’ouest du Cameroun, est une tradition ancestrale profondément enracinée dans leur culture et héritée de leurs ancêtres égyptiens, selon les travaux de Cheikh Anta Diop. Cette pratique, qui s’inscrit dans un long processus historique et spirituel, souligne l'importance du lien entre les vivants et les défunts au sein de la communauté bamiléké.

Le Culte des Ancêtres

D’après Cheikh Anta Diop, le culte des ancêtres chez les Bamiléké trouve ses origines dans l'Égypte antique. Pendant leur migration de l’Égypte à la vallée du pays Tikar (IXe au XIe siècle), les Bamiléké ont adapté leur pratique de conservation des corps en ne gardant que les têtes momifiées de leurs ancêtres pour des raisons pratiques lors des déplacements en temps de guerre. Ces têtes étaient ensuite conservées dans des jarres, prêtes à être emportées en cas de nécessité.

L’Ancêtre

Devenir ancêtre chez les Bamiléké signifie avoir réussi le passage vers le monde des défunts et avoir été réintégré symboliquement parmi les vivants lors de la cérémonie des crânes. Les ancêtres sont physiquement présents dans la « case des crânes » ou « case des ancêtres » de chaque famille, où leurs crânes sont conservés. Ces crânes symbolisent leur présence et permettent aux vivants de les consulter, les nourrir et les impliquer dans les décisions importantes de la famille. Les ancêtres jouent ainsi le rôle d'intercesseurs auprès des autres ancêtres et de Dieu.

Les Relations entre les Vivants et les Ancêtres

Les ancêtres interviennent dès la naissance et à chaque étape de la vie sociale des Bamiléké. Ils valident les rites de passage et garantissent l'ordre social. Tout membre de la communauté aspire à devenir ancêtre en respectant les traditions, en menant une vie exemplaire et en transmettant des valeurs morales et matérielles à ses descendants. Le respect des ancêtres est crucial pour éviter les échecs, les maladies et la malchance.

Le Rituel des Crânes

Le rituel des crânes est un acte sacré et essentiel dans les tribus bamiléké. Les ancêtres, bienveillants, mais autoritaires, doivent être respectés et apaisés par des rituels scrupuleusement observés pour éviter la « malchance » (doh). La vie urbaine et moderne n’a pas diminué l’importance de ces traditions, qui restent indispensables pour maintenir l’harmonie familiale et sociale.

La Nécessité du Rituel

Avant la cérémonie d'exhumation d'un crâne, une relation subtile s'établit entre le défunt et son successeur, désigné de son vivant pour l’incarner après sa mort. Ce successeur prend en charge les rôles du défunt et est reconnu comme tel. Cette relation se manifeste par des rêves et des visites spirituelles du défunt, renforçant ainsi le lien entre les deux.

Le délai entre le deuil et le rituel des crânes peut varier, mais un minimum d’un an est nécessaire pour la réduction du corps. Le successeur peut consulter un voyant pour s'assurer que le défunt est prêt à revenir. Ce message spirituel signifie que le crâne peut être exhumé et le rituel peut commencer.

L'Exhumation du Crâne

Le rituel commence par une préparation minutieuse des objets nécessaires : canari, vin de raphia et pagnes. La famille se réunit autour de la tombe du défunt pour creuser et extraire délicatement le crâne, qui est ensuite placé dans le canari et purifié avec du vin de raphia. La cérémonie continue avec des chants et des danses, accompagnés d'offrandes.

La Cérémonie de Retour

Après une nuit de veille, la famille procède au lavage et à l’enduisage du crâne avec du kaolin. Le crâne est ensuite exposé et entouré d’offrandes avant d’être porté à la « case des ancêtres » lors d’une procession rituelle. Une fois dans la case, le crâne est placé sur une étagère réservée et une nouvelle cérémonie de purification est effectuée.

Conclusion

Le culte des crânes chez les Bamiléké est un rituel complexe et sacré qui renforce les liens entre les vivants et les ancêtres. Le respect des traditions et des ancêtres est primordial pour assurer la prospérité et l'harmonie dans la communauté. Les crânes des ancêtres jouent un rôle central dans la vie quotidienne des Bamiléké, agissant comme des médiateurs entre les vivants et le monde spirituel.